Témoignages
Dessine-moi, Mariama
"Parfois, on dirait que le noma attaque les enfants les plus beaux, les enants qui ont les visages les plus fins." C'est par cette phrase que Mariama, infirmère de Sentinelles, pose des mots sur l'impensable.
Nous sommes en octobre 2020, uen petite fille atteinte de la maladie vient d'arriver au Centre de lutte contre le noma de Sentinelles au Niger.
Cette fillette s'appelle aussi Mariama, comme notre infirmière. Elle a 5 ans. Elle est petite et extrêmement mince. La malnutrition modérée dont elle souffre est en partie responsable de cette allure filiforme, mais c'est aussi une question de morphologie. Mariama est une fillette nigérienne comme tant d'autres, sauf qu'elle arrive auprès des infirmières de Sentinelles avec une grande nécrose au visage, qui tombera les jours suivants à l'instar de son oeil. Cela lui laissera un trou béant à la place de la joue gauche. Son petit nez est également atteint, et il ne lui en restera plus que la moitié.
Heureusement, les enfants n'arrivent pas tous aussi atteints dans notre Centre de Zinder, mais pour certains d'entre eux, la maladie fait des ravages. Les enfants qui portent des séquelles de noma n'ont pas tous la même réaction face à la maladie. Souvent, une fofis guéris de la phase aiguë, les tout-petits retrouvent leur joie de vivre car ils n'ont pas conscience de leur visage et de leur différence. Mais Mariama fait partie des enffants très atteints tant physiquement que psychologiquement par le noma. Il est difficile de lui décrocher un sourire, elle reste d'humeur triste et léthargique presque tout le temps lors de ses différents séjours au Centre. Nous ne savons pas vraiment ce qu'elle ressent et notre équipe assiste à des moment déchirants où elle garde la main sur son visage pour tenter de cacher sa séquelle.
Lorsqu'elle est de passage au Centre, nous la voyons évoluer dans les activités proposées et découvrons que Mariama a un fantastique talent pour le dessin ! Munie de craies ou de crayons de couleurs, elle se prend très vite au jeu de l'illustration et sa présence à la petite école du Centre chaque matin nous permet de la voir s'épanouir. Parfois lorsqu'elle joue, elle rit même aux éclats et c'est tellement salvateur d'entendre ses petits cris spontanés. On se dit alors qu'une part d'elle-même reste une enfant, sans préoccupation ni malheur persistant.
Pendant 2 ans, Mariama est suivie par notre équipe nigérienne afifn de voir comment évolue la cicatrisation de sa lésion et pour la préparer à son transfert en Suisse. En août 2022, une fois que tous les obstacles administratifs et logistiques sont levés, elle arrie à l'aéroport de Genève. Tout s'enchaîne alors. Mariama rejoint tout d'abord la Maison Terre des Hommes Valais à Massongex où elle retrouve de nombreux enfants venant du monde entier, et surtout Fadilla, une autre petite nigérienne arrivée quelques mois avant elle.
Des consultations ont lieu aux Hôpitaux universitaires de Genève où Mariama est vue par une équipe de médecins spécialistes qui définissent la procédure qu'ils vont suivre pour remodeler la partie gauche de son visage.
Les consulations se suivent tout comme les opérations de reconstruction du visage, quatre au total. Mariama a toujours l'air un peu boudeur, elle a vraisemblablement un fort caractère, mais ne le faut-il pas pour traverser toutes ces épreuves ? Dans la salle de consultation à l'hôpital et à La Maison, Mariama dessine tant qu'elle peut et le sourire est de plus en plus présent sur son visage... surtout lorsqu'elle joue dans la neige qui tombe à Massongex durant son séjour.
Mariama rejoint le Niger en juin 2023, les yeux pétillants et des crayons plein la valise. Elle reviendra en Suisse dans quelques années pour la reconstruction de son nez qui ne peut être refait que lorsqu'elle aura grandi. Avant de rentrer dans sa famille, elle a rejoint notre Centre de Zinder où notre infirmière, l'autre Mariama, l'a accueillie comme tous les enfants qui retrouvent un nouveau visage : le sourire aux lèvres et habitée d'une grande joie d'être un maillon de la chaîne qui permet à ces enfants de bénéficier d'une excellente prise en charge, entre le Niger et la Suisse.
Source : Journal de Sentinelles, décembre 2023
Louka
Louka, 11 ans, rentre au Burkina Faso après un séjour en Suisse de sept mois. Il a été transféré chez nous pour l'opération d'une constriction de la mâchoire (incapacité quasi totale d'ouvrir la bouche) à la suite de séquelles du noma, maladie qu'il a contractée à l'âge de trois ans. Au vu de sa complexité, cette intervention est malheureusement impossible dans son pays.
Il subit courageusement et avec succès deux opérations aux Hôpitaux Universitaire de Genève (HUG), pour lesquelles interviennent un chirurgien maxillo-facial et un chirurgien plasticien. Des visiteurs bénévoles passent le voir régulièrement lors de ses hospitalisations pour adoucir sa vie à l'hôpital.
Durant son séjour, Louka vit à la Maison de Terre des hommes Valais à Massongex où il est très bien entouré et suivi. Il partage sa vie avec beaucoup d'autres enfants issus de différents pays avec lesquels il s'amuse bien, entre jeux de société, animations et parties de foot qu'il affectionne particulièrement. Le jeune garçon prend également part aux cours scolaires pour asseoir ses connaissances, progresser dans divers domaines et pouvoir reprendre l'école sans difficulté à son retour chez lui. Enfant poli et serviable, on voit qu'il aime apprendre.
A son arrivée, Louka se montre assez timide et réservé, mais il s'adapte bien à notre pays, à sa vie à la Maison d'accueil et prend petit à petit de l'assurance pour devenir un garçon enjoué, très sociable et communicatif. C'est un grand plaisir de l'accompagner chaque semaine à ses consultations aux HUG. En parallèle, Louka doit suivre un traitement de physiothérapie pour lequel il doit se montrer assidu, car il ne faut absolument pas que sa bouche se referme. Il est très collaborant et fait preuve de beaucoup de courage, ses efforts portent leurs fruits.
De retour au pays, Louka, de l'ethnie bobofing et de religion animiste, retrouvera les siens. Issu d'une famille polygame - son père a deux épouses-, il sera heureux de revoir ses parents, ses quatre frères et soeurs ainsi que son demi-frère. Louka reprendra l'école dès la rentrée de la nouvelle année scolaire tout en poursuivant régulièrement les séances de physiothérapie nécessaires pour ne pas perdre les bénéfices de tous ses efforts. Nous lui souhaitons un bon retour parmi les siens et le meilleur pour la suite de sa vie.
texte @www.sentinelles.org
Marieta
Marieta est assurément une survivante. Grâce, surtout, à sa force de vie, mais également à une chaîne de solidarité incroyable dont fait partie un médecin du centre médical de Zorgho. En juillet 2017, ce dernier nous contacte pour adresser à notre centre Sentinelles de Ouagadougou, une petite fille de cinq ans, victime de noma en phase aiguë.
Jusqu'ici la procédure est normale. Des agents de santé et médecins nous amènent régulièrement des enfants souffrant de cette maladie, notre centre étant reconnu dans la prise en charge des cas de noma. Mais la suite de l'histoire sort de l'ordinaire et devient plus révoltante et tragique que tout ce qu'on peut imaginer.
Comment expliquer le parcours de la petite Marieta ? Il est difficile de concevoir une telle situation d'abandon.
Le père de Marieta s'oppose à une prise en charge médicale et à son transfert pour soins urgents à Ouagadougou. Nous contactons l'action sociale et différents médiateurs qui iront parler au père, en vain. Une délégation de notre équipe se rendra alors à Zorgho afin de le convaicre de nous confier sa fille. Orpheline de mère, Marieta vit avec son père qui a plusieurs autres épouses et enfants habitant dans la même cour familiale. Au fil de la discussion, nous comprenons que non seulement le père ne l'a pas amenée à un centre de santé, par négligence, mais qu'il la laissait mourrir.
C'est la surveillante de l'école voisine, s'inquiétant de l'absence de Marieta depuis quelques temps alors qu'elle venait jouer tous les jours dans la cour de l'école, qui a découvert Marieta abandonnée dans un coin de la cour familiale. Son père la laissait agoniser sans eau ni alimentation. Pire, il nous dira avoir déjà préparé linceul et pelles pour l'enterrer. Finalement, il accepte de nous confier Marieta. Nemata, sa demi-soeur âgée de 12 ans, nous accompagnera au centre pour s'en occuper. Plus tard, nous apprenons que Marieta est séropositive depuis sa naissance, mais qu'elle n'a jamais reçu de traitement antirétroviral, pourtant gratuit au Burkina Faso. Dans les semaines qui suivent, Marieta reprend rapidement des forces grâce aux soins et à une bonne alimentation. Reste l'impact phsychologique laissé par une telle situation d'abandon et de maltraitance. A la voir désormais rire et jouer dans la cour de Sentinelles comme tant d'autres enfants insouciants, nous sommes extrêmement heureux de constater que Marieta a cette incroyable capacité de résilience et qu'elle a pu bénéficier de l'intervention d'anges gardiens au bon moment, qui nous ont permis de la sauver.
En avril 2018, Marieta a pu rentrer auprès dans sa famille maternelle qui l'a accueillie avec amour. Elle vit désormais avec sa grande soeur Nemata dans la case de sa grand-mère, bien entourée par ses oncles. Hervé et Marie-Lou, deux étudiants de l'Ecole romande d'arts et communication tournant un documentaire sur le noma pour Sentinelles, ont accompagné notre équipe sur le terrain lors de ces retrouvailles. Très complet, leur film présente la problématique du noma et retrace en grande partie son parcours. Marieta, survivante du noma, est ainsi devenue l'héroine d'un documentaire pouvant aider à sensibiliser les populations et à prévenir des situations dont pourraient être victimes d'autres enfants du Burgina Faso, du Niger ou d'ailleurs.
texte et photos @www.sentinelles.org
Marie-Jeanne
Marie-Jeanne, burkinabée de 8 ans, est arrivée en Suisse dans le cadre d'un transfert humanitaire. La fillette souffre de séquelles gravissimes du noma, contracté à l'âge de trois ans, nécessitant un traitement chirurgical complexe qui n'est malheureusement pas possible dans son pays. Elle qui a survécu à cette terrible maladie est décrite comme une "miraculée".
Au Burkina Faso, Marie-Jeanne vient de l'ethnie Mossi et parle le mooré. Elle vit dans le village traditionnel de Pissié, dans une case ronde construite en terre et au toit de chaume. Troisième de quatre enfants, elle est très aimée de ses parents et de sa grand-mère maternelle qui partage sa maison. Après une période de rejet lié à son visage détruit par le noma, elle est maintenant bien intégrée dans sa communauté.
La fillette n'est pas encore scolarisée, mais adore la broderie apprise auprès de sa maman qui a bénéficié de notre soutien pour développer cette activité.
Marie-Jeanne arrive en Suisse il y a onze mois déjà. Ayant perdu ses repères, elle fait pourtant rapidement preuve d'une grande résilience et s'adapte à merveille à sa nouvelle vie. Entre les séjours hospitaliers, elle est accueillie à la Maison de Terre des Hommes à Massongex, où elle participe à la vie communautaire et fréquente l'école. Très vite, elle montre beaucoup d'intérêt pour les tâches scolaires et fait d'énormes progrès. Elle aime apprendre à lire, à écrire, à compter et à dessiner. Marie-Jeanne fait preuve de bien des facilités, alors qu'elle n'est jamais allée à l'école jusqu'ici.
Soignée aux Hôpitaux Universitaires de Genève, Marie-Jeanne subit trois interventions chirurgicales pour reconstruire sa mandibule grâce à un prélèvement osseux du péroné.
Sa deuxième hospitalisation est prolongée car la fillette ne cicatrise pas facilement. Elle reçoit heureusement la visite de nos bénévoles dévoués qui l'entourent et lui changent les idées. Elle bricole, fait des jeux, va au jardin quand c'est possible, et on lui lit des histoires. Nous l'accompagnons régulièrement aux consultations de contrôle. Les soins ne sont pas toujours bien tolérés et notre présence l'aide à supporter la crainte des gestes médicaux. Lors de ces consultations où nous faisons des activités avec elle, nous percevons tous ses progrès au niveau des apprentissages et son potentiel.
Il reste une dernière petite intervention après laquelle Marie-Jeanne pourra rentrer au pays et retrouver ses proches. Nous lui souhaitons encore du courage pour terminer ce traitement de longue haleine et d'ores et déjà un bon retour parmi les siens.
texte @www.sentinelles.org
Fadila et la maladie des esprits
Fadila est une très frêle petite fille de 6 ou 7 ans, arrivée au centre d'accueil de Sentinelles au Niger il y a peu, avec un noma en phase aiguë qui a détruit tout le bas de son visage. Un os nécrosé est apparent et son palais est aussi touché. Deux grands yeux apeurés, interrogateurs illuminent malgré tout ce visage ravagé. Une fois les soins et le bandage terminés, Fadila se lève et repart tranquillement vers son dortoir. De grosses larmes coulent le long des joues de sa maman; elle sait aujourd'hui que si la petite avait été prise en charge correctement tout de suite, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais dans les villages, il y a encore tant de tabous et de croyances... On lui a dit que Fadila était victime de "Matabiya" un genre de sort lié aux génies. Selon cette croyance, si l'enfant est amené au dispensaire et qu'on lui administre une piqûre, il meurt sur le champ. C'est pourquoi la maman de de Fadila a suivi la médecine traditionnelle plutôt que d'aller au centre de santé. On imagine aisément la culpabilité qui doit peser sur le coeur de cette femme... Et cela montre combien les séances de sensibilisation menées auprès des populations sont essentielles. Quelques jours plus tard, l'os maxillaire inférieur, totalement nécrosé, a pu être enlevé par Moussbahou, le chef infirmier de Sentinelles permettant ainsi de faciliter la guérison. Que de souffrances déjà endurées par une si courte vie et que de courage dans ce petit bout de femme. Fadila et tant d'autres enfants ont échappé à une mort certaine grâce au fidèle soutien annuel que Winds of Hope apporte au programme de lutte contre le noma de Sentinelles.
texte et photos @www.sentinelles.org
Un long chemin vers la guérison
Il y a une quinzaine d'années, Sentinelles découvrait une petite fille de 3 ans ne pouvant plus ouvrir la bouche. Bassariya présentait une constriction des mâchoires suite au noma dont elle avait été victime à 18 mois. La plus grande préoccupation de Sentinelles était alors de surveiller sa croissance, car sa constriction mandibulaire totale l'empêchait de s'alimenter correctement, par conséquent, elle avait accumulé un retard important. En dépit des efforts et de l'apport journalier de lait en guise de supplément alimentaire, Bassariya demeurait chétive.
Opérée en Suisse
Bassariya est transférée en Suisse 3 ans après le début de sa prise en charge. L'intervention est repoussée le temps de lui laisser prendre du poids ; son âge osseux correspond à celui d'un enfant de 3,5 ans alors qu'elle en a 6. S'ensuit alors un traitement de renutrition accéléré. La complexité de la constriction de Bassariya explique les problèmes de récidives qui l'attendront les années suivantes. Après plusieurs opérations, s'ensuivent de longues séances de physiothérapie, d'abord en Suisse, puis au Niger, pour maintenir l'ouverture buccale obtenue. Bassariya peine à se motiver pour ses séances exercices.
En famille, elle rechute
Sa santé fragile la rend sujette à de nombreux refroidissements. A cause de la toux qu'elle développe suite à une coqueluche, ses parents décident de suspendre les exercices de physiothérapie. Son ouverture buccale chute jusqu'à laisser la mâchoire se refermer à nouveau. Elle ne peut plus ouvrir la bouche. Il faut lui extraire deux dents pour lui permettre de s'alimenter plus facilement. La négligence des parents a joué un rôle dans cette récidive. Les parents de Bassariya doivent s'occuper de ses 20 frères et soeurs; le père, polygame peine à assurer la subsistance de ses 4 femmes et de tous ses enfants; sa mère semble présenter des troubles psychiques. Sentinelles souhaite faire bénéficier Bassariya d'une autre intervention chirurgicale mais l'équipe est unanime, le suivi des parents étant trop faible, il faut attendre son adolescence.
Rêve de couture
D' octobre 2012 à février 2013, s'effectue le second transfert en Suisse. Il faudra beaucoup de courage à Bassariya qui est déprimée loin de sa famille. L'intervention se déroule très bien, à son retour se pose la question de son avenir de jeune femme. Elle a abandonné l'école depuis quelques années, mais lors de discussions organisées au Centre Sentinelles de Zinder, elle évoque son souhait d'apprendre la couture, métier qui lui permettrait d'acquérir une indépendance financière. Un projet de formation auprès de l'oncle tailleur à Takiéta est établi; hélas les parents n'en donnent aucune suite. Ils fuient les contrôles de santé de leur fille et elle-même néglige sa physiothérapie d'entretien. Les assistants sociaux voyant l'ouverture buccale de Bassariya baisser décident de la ramener au centre de soins de Zinder. Les mois suivants, elle va et vient entre son foyer familial et le Centre d'accueil situés à 45 km l'un de l'autre. Le manque de responsabilisation de Bassariya et la négligence de ses parents conduisent à la décision de l'installer au Centre sous la surveillance des équipes médicale et sociale en automne 2015 pour lui assurer une solution durable pour son avenir.
Enfin une formation
En raison de son tempérament très patient et très protecteur envers les petits enfants résidant au centre, Sentinelles décide d'engager Bassariya comme nounou. Elle accompagne chaque mois les enfants avec l'équipe Sentinelles aux missions chirurgicales organisées à Niamey. Elle est enchantée de cette nouvelle responsabilité et ses revenus lui ont permis de s'inscrire à l'école de couture à Zinder afin d'obtenir un diplôme après 2 à 3 ans. Cette autonomie gagnée progressivement lui permettra de choisir un mari et non d'être contrainte à un mariage forcé par sa famille pour régler sa prise en charge. Elle attend la rentrée académique pour débuter sa formation.
texte et photos @www.sentinelles.org
De l'esclavage à la liberté
Fatoumata ne connaît pas son âge exact, elle n'a pas d'acte de naissance et est orpheline de père et de mère. Elle a été victime du noma à l'âge de 5 ans. Nous lui donnons environ 18 ans. Elle vit cachée chez ses oncles et fait tous les travaux ménagers. Elle a un enfant âgé d'environ 18 mois. Fatoumata vient d'un village éloigné dans le Nord Est du Mali, zone qui a beaucoup souffert et qui aujourd'hui est encore très isolée à cause de la présence de djihadistes et de bandits de toutes sortes. Heureusement, un jeune médecin a croisé son chemin et nous l'a envoyé à Sévaré avec d'autres patients et leurs accompagnants. D'abord, elle refuse car elle n'a personne pour l'accompagner. Nous insistons, car elle peut venir seule. Nous ne connaissions pas l'existence de son enfant, résultat d'un viol. L'enfant a été confié à des membres de leur clan, sans le consentement de Fatoumata. Arrivée à Sévaré, elle disparaît. Elle était partie à la recherche de son enfant.
Grâce aux relations du médecin, nous la retrouvons et nous partons deux jours plus tard pour Ouagadougou avec le groupe prévu pour la mission chirurgicale de la Prof. Brigitte Pittet. Deux heures après notre arrivée au centre de Sentinelles, nous vivons en direct devant la TV l'attentat du Splendide et du Cappucino qui fera 30 morts et de nombreux blessés. Heureusement, nous sommes en dehors du centre-ville. Toute la ville vit cela avec une angoisse terrible. La peur est partout. Les avions sont bloqués, une partie de l'équipe est détournée à Abidjan, l'autre à Lomé. Vingt-quatre heures plus tard, tout le monde a pu rejoindre Ouagadougou et décide de rester et d'effectuer la mission chirurgicale.
Le travail commence et Fatoumata sera opérée quelques jours plus tard. Les premiers jours sont difficiles pour elle, car elle ne comprend pas tout ce qui lui arrive depuis le départ de son village. Les infirmières font les soins postopératoires et toute l'équipe entoure les malades et les rassurent. Leur état s'améliore rapidement. Fatoumata s'est socialisée durant son séjour d'un mois au centre Sentinelles. Elle joue avec les enfants, discute avec les mamans et aide à la lessive. Elle reçoit des soins par les kinésithérapeutes de Physionoma et apprend consciencieusement les exercices qu'elle devra poursuivre chez elle.
A notre retour au Mali, Fatoumata rejoint des proches dans un camp de nomades à Mopti. Le chauffeur et elle ont eu beaucoup de peine à les trouver. Deux jours plus tard, avec le médecin de son village, nous partons la voir. L'enfant est placé dans un autre village et on attend de Fatoumata, qu'elle travaille comme "petite bonne" à Mopti. L'esclavage est malheureusement encore le lot de beaucoup d'enfants en Afrique. Nous ne pouvons pas laisser faire cela. Nous cherchons et nous trouvons une solution afin de lui assurer une bonne vie avec son enfant auprès d'elle, grâce au jeune médecin de son village. Un médecin généreux et très courageux car il est resté dans son village occupé par les djihadistes alors que tous les fonctionnaires de l'état avaient fuis. Aux dernières nouvelles, Fatoumata est avec la soeur de sa maman. Elle vont toutes les deux retourner dans leur village.
texte et photo @ Elisabeth Simon AVEC MALI
D'une vie sauvable à une vie sauvée
Ce petit garçon de 8 ans est l’un des derniers enfants atteints de noma transféré en Suisse pour bénéficier d’une chirurgie reconstructive. Il arrive au centre d’accueil à Zinder, âgé alors de 5 ans, avec la moitié gauche de son visage détruite. Les séquelles sont irréversibles et profondes.
Cinq guérisseurs traditionnels
Au début de la maladie, les parents de Sabiou, extrêmement pauvres, consultent successivement cinq guérisseurs traditionnels, mais le mal ne cesse d’envahir le visage de Sabiou. Ils appellent cette maladie « mahalbia », la maladie des esprits, qui transforme l’enfant en mauvais génie. Deux mois plus tard, les parents amènent enfin Sabiou à la case de santé, puis au Centre de santé d’Ourafan qui finit par le réfèrer à Sentinelles. Sabiou est courageux, son appétit et ses forces favorisent la cicatrisation de sa plaie, petit à petit, il s'intègre à la vie du centre.
Aîné mal-aimé
Son enfance a été difficile.Tradtionellement, dans le groupe ethnique de sa mère, celle-ci doit ignorer son premier-né. Elle n’a jamais prononcé son nom, elle l’appelait simplement « Dan Nana », ce qui signifie « fils de Nana », Nana étant le qualificatif général pour toute personne de sexe féminin.
Sabiou subit régulièrement les foudres de sa mère qui le maltraite physiquement et le houspille à la moindre contrariété. Passés les soins d'urgence, vitaux pour sa survie, un long travail est entrepris avec la maman pour tenter de changer les habitudes de comportement. Petit à petit, elle se montre plus tendre qu’avant, ses paroles deviennent plus gentilles et elle commence à aller lui chercher ses plats à la cuisine. Elle va même jusqu’à consulter les infirmiers au moindre signe de fragilité dans la santé de son enfant. L’équipe l’a fortement encouragée et continue à la suivre pour la motiver. Aujourd’hui elle s’occupe bien de Sabiou, tant sur le plan de son hygiène corporelle que sur son état vestimentaire. Elle écoute les recommandations de l’équipe Sentinelles et respecte les consignes données sur les règles d’hygiène instaurées.
Les mauvais traitements infligés à Sabiou ont forgé son caractère: têtu, il refusait toute approche pour les soins, se repliait dans les dortoirs et pleurait la plupart du temps. Les mois passés au centre l'ont rendu plus coopératif et plus ouvert.
En Suisse, Sabiou a dû affronter des interventions chirurgicales particulièrement lourdes. Il s’est intégré avec facilité avec les autres enfants de la maison d’accueil de Massongex et a bien profité de ses nouveaux amis.
Après huit mois de séjour loin de sa famille et de son pays, Sabiou est enfin de retour au Niger avec un nouveau sourire, prêt pour un nouveau départ.
Texte et photo © www.sentinelles.org
Un rêve qui se concrétise
Cinquième fille d’une famille pauvre d'un village reculé du Niger, Laouré est née en janvier 1991. Trois ans après sa naissance, elle contracte la maladie du noma alors qu'elle vit chez ses grands-parents maternels près de Zinder. La grand-mère tente de soigner sa petite-fille avec des remèdes traditionnels de décoction d’herbes. Ces remèdes n'apportant pas d’amélioration à l’œdème naissant, Laouré est transportée au dispensaire où, sept jours durant, elle reçoit un traitement malheureusement sans effet. L’agent de santé décide de la référer à l’hôpital de Zinder. Sentinelles ne découvre l’enfant que 15 jours après son hospitalisation. La maladie a déjà eu le temps de faire des dégâts irréversibles sur son visage : constriction totale des mâchoires et perte de substance de la joue gauche. En 1996, Sentinelles transfère Laouré en Suisse pour une première série d’opérations visant à améliorer son ouverture buccale et recouvrir sa joue entamée.
Scolarité éprouvante
De retour au Niger, avec un nouveau visage, Laouré intègre l’école de son village. La timidité de Laouré – liée à sa personnalité et aux séquelles de sa maladie – entrave sa scolarité. Durant les années qui suivront, ses difficultés scolaires sont nombreuses, mais ses efforts remarquables. Laouré est inscrite auprès d’une école privée à Zinder, Niger-Amitié pour augmenter ses chances de réussite. Petit à petit, ses résultats deviennent brillants. Ses notes accusent toutefois le coup des décès successifs de ses grands-parents, qui l'affectent énormément. En 2008, elle est inscrite à un autre collège de Zinder. Sur le plan médical, les épreuves ne sont pas terminées: en dépit de la physiothérapie d’entretien, sa constriction récidive progressivement à cause d'un lambeau qui entrave les mouvements de sa mâchoire. En outre, l'oncle chez qui Laouré est placée néglige totalement le suivi de sa nièce. Face à ces difficultés, la jeune fille finit par échouer aux examens. En 2009, elle exprime l’envie de travailler dans le domaine de la santé. Dès cet instant, sa famille et l'équipe du service social de Sentinelles se mobilise pour que cela devienne possible. Avant d'entamer un volet important de ses études, Laouré doit envisager un second transfert en Suisse pour remédier chirurgicalement à la récidive de sa constriction.
Réaliser son rêve
Son second passage entre les mains des spécialistes aura raison de sa constriction. Laouré retournera chez elle avec des exercices très pointus de massages du lambeau et de physiothérapie. Les séances quotidiennes portent leurs fruits. Après avoir passé les tests d’entrée, Laouré rejoint enfin l’école de santé tant rêvée à l’automne 2011 et elle obtient le diplôme d’agent de santé de base à la fin de l’été 2014. La fierté de Laouré et de sa famille est palpable. Laouré est le premier enfant atteint par le noma au Niger qui obtient un diplôme professionnel. C’est une belle revanche sur un destin que les conditions de vie condamnaient.
Texte et photo © www.sentinelles.org
Un chemin vers l'autonomie
Je m’appelle Athanase Ilboudo, j’ai 35 ans. Je suis vendeur de pièces détachées de motocyclettes. J’ai été victime de la maladie du noma à l’âge de 4 ans. En raison de mes dents qui étaient exposées et de ma bouche qui ne s’ouvrait pas, j’ai beaucoup souffert. J’étais la risée du village, rejeté par tous, y compris par mes propres frères. Je n’ai pas eu la joie de manger en groupe, je mangeais seul. Les gens me fuyaient. La perte de mes parents en deux ans d’intervalle m’a porté un coup dur car c’était les seuls qui me donnaient leur affection.
Accueilli et pris en charge
En 2003, j’arrive à Sentinelles. Je suis très bien accueilli par le personnel. Moi qui ne mangeais alors pas un repas par jour, j'en ai ici trois. Je me lave tous les jours et je reçois des habits neufs et quel soulagement de voir que je ne suis pas le seul à souffrir de cette maladie. En 2007, après quelques années de suivi, un transfert en Suisse est organisé par Sentinelles pour que je puisse être opéré et enfin ouvrir ma bouche. Après un séjour de 3 mois, me voici avec une bouche ouverte et un nouveau visage. Je reviens au pays. Je suis bien accueilli par ceux qui m’avaient rejeté. A leurs yeux, je suis devenu une personne importante. Sentinelles, pour m’aider à préparer mon avenir, propose de me financer une formation dans la mécanique des motos.
Vers l'autonomie
Suite à des difficultés d’apprentissage, je me réoriente dans la vente de pièces détachées, domaine dans lequel j’ai une certaine facilité car j’ai pris l’habitude de gérer la boutique de pièces détachées de mon patron en son absence. Je me suis converti en commerçant avec l’aide de Sentinelles, qui m’a acheté les pièces détachées que je vends dans la boutique de mon patron. Nous sommes comme associés. J’ai aussi reçu un compresseur pour laver les motos. Je suis devenu autonome et, financièrement, j’arrive à subvenir à tous mes besoins. Aujourd’hui, quand il y a une cérémonie au village, je suis le premier à en être informé. Ceux qui me négligeaient m’ont mis au premier plan. Moi qui n’osais pas courtiser de filles, j’ai une femme qui est actuellement enceinte de 7 mois. J’ai pu m’acheter une parcelle sur laquelle j’ai construis une maison de 2 pièces et nous y habitons. Mon souhait pour l’avenir est d’avoir mon propre atelier.
Texte et photo © www.sentinelles.org
Trois jours après, il aurait été trop tard
La sensibilisation porte ses fruits; les agents de santé communautaire arrivent de mieux en mieux à repérer les tous premiers signes du noma
"Depuis Niamey la semaine dernière, coup de fil de l'hôpital de Dakoro (région Maradi). Nous organisons de suite une évacuation: une équipe part sur Dakoro (4 heures aller et 4 heures retour). A l'hôpital, en pédiatrie, nous trouvons la petite Aïcha qui souffre de noma en phase aiguë, au stade d'oedème. Trois jours après il aurait été trop tard... C'est génial, la sensibilisation porte ses fruits, les agents de santé communautaire arrivent de mieux en mieux à repérer les tous premiers signes du noma". Manon Chatelain - Sentinelles
Photo 1: Rencontre avec Aïcha - Phase d'oedème sauvée sans séquelles, prise en fin du traitement réalisée au Centre de Sentinelles à Zinder.
Photo 2: Aïcha au Centre de Sentinelles à Zinder-Niger. Elle a pu être soignée à temps. Elle n'aura pas de séquelles.
À côté des bruits de guerre au Mali
Adama 23 ans et Assaita 15 ans sont venues d'un petit hameau du nord du pays Dogon pour travailler comme "petites bonnes" à Sévaré, le visage couvert par un foulard. Adama a eu le noma à l'âge de 7 ans et Assaita a une fente labiale depuis sa naissance. Un ami chauffeur, voisin de leur logeuse, les repère. Par chance ce chauffeur de minibus se rend souvent dans leur commune. il entreprend de convaincre leurs parents de les faire opérer au Centre Persis à Ouahigouya au nord du Burkina Faso.Cela n'a pas été facile car les familles avaient très peur d'un enlèvement pour esclavage sexuel ou pour trafic d'organes. "Ne les laissez pas partir, elles seront vendues et égorgées" criaient un villageois, ce qui était compréhensible car malheureusement ces choses arrivent encore aujourd'hui en Afrique.
Le 11 janvier 2012, elles arrivent avec leur deux mamans accompagnantes dans la cour de ce centre médical et chirurgical pédiatrique du Dr Lassara Zala soutenu par Persis Valais et Winds of Hope. Elles sont enfin rassurées en rencontrant les autres familles convoquées et 3 jours plus tard elles sont opérées avec succès par une équipe chirurgicale marseillaise et burkinabée. Ensuite, comme les autres enfants présents, leur convalescence est entourée par des infirmières et des animatrices d’Ensemble Pour Eux venues de Suisse et soutenues par Winds of Hope. Un mois plus tard Adama et Assaita sont retournées dans leur village pour montrer leur sourire retrouvé. Elisabeth Simon - Association Avec Mali